CESTI/AMBASSADE DE FRANCE AU SENEGAL

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jeudi 15 octobre 2015

Djiby GUISSE : La musique pour sauver la planète



Djiby GUISSE directeur artistique "Festi'vert"

La lutte contre le changement climatique est devenue l’affaire de tous. Au Sénégal, le célèbre groupe des Frères Guissé s’implique dans la sensibilisation des citoyens. Il y a dix ans, ils ont créé « Festivert », le premier festival du pays consacré à  l’environnement. Djiby Guissé en est le directeur artistique. Il plaide pour une synergie des actions et une meilleure implication de tous les acteurs afin d’arriver à un accord global sur le climat. 

On vous a connu dans la musique, aujourd’hui vous êtes dans l’environnement. Qu’est ce qui motive votre engagement dans ce domaine ?


C’est la protection de notre cadre de vie. Nous les Sénégalais, nous sommes non seulement des acteurs mais également des victimes de ces phénomènes changeants du climat. Beaucoup d’entre nous ignorent cet aspect. Avec mes deux frères, nous essayons d’attirer l’attention des citoyens sur le danger qui nous guette. Et la musique nous sert de support pour une meilleure promotion de ces questions. Souvent, nous terminons nos concerts par des panels de discussions sur des questions liées à la dégradation de l’environnement.

Qu’est ce qui est important pour vous ?

C’est le développement du Sénégal qui nous importe dans ce combat. Le pays nous a beaucoup donné, il nous a permis d’avoir une notoriété mondiale. Nous usons maintenant de cette notoriété pour apporter, au niveau local, des réponses à toutes ces questions liées au dérèglement climatique. En tant que musiciens, nous sommes aussi acteurs du développement. Notre mission est d’aider à porter un regard différent sur l’environnement. C’est l’idée même du « festivert », un festival annuel sur l’environnement organisé à Dakar depuis dix ans. Car la musique peut sauver l’environnement.

Après dix ans de sensibilisation, avez-vous atteint votre objectif ?

Les gens nous écoutent, ils nous suivent. Ils se sont même approprié le festival. Chaque année, on a des jeunes du quartier, des étudiants qui y prennent part. Même l’Etat  s’est impliqué. La preuve, cette année nous avons été désignés citoyens d’honneur de l’environnement par le réseau des parlementaires, pour saluer notre engagement. Mais notre objectif c’est de trouver plus de moyens et  faire adhérer plus de monde à ce combat.  

Les populations ne se mobilisent pas assez selon vous ?

Ça commence à bouger. Dans des panels que nous organisons, des gens donnent leurs points de vue, leur position sur des questions qui font débat. Malheureusement les décisions qui se prennent lors des rencontres internationales ne sont pas souvent partagées au niveau local. Cela pose un sérieux problème car tout le monde n’est pas au même niveau d’information. Cela rend notre mission d’autant plus importante.

Depuis 1992, la communauté internationale est en quête d’un accord contraignant qui engage l’ensemble des pays contre le dérèglement climatique, en vain. Avez-vous bon espoir à deux mois du prochain sommet à Paris ?

Je n’y crois pas trop, parce que c’est une rencontre de décideurs politiques. Les décisions sont souvent prises entre quatre murs, loin des principaux concernés.

Pourtant, les précédents sommets ont permis des avancées…

C’est vrai. Par exemple, la mise en place du « fonds vert pour le climat », destiné à financer des projets environnementaux dans les pays en développement, a été adoptée dans l’une de ces conférences (Ndlr, à Copenhague au Danemark en 2009).
Mais si une partie de cet argent se retrouve entre les mains de nos dirigeants, il n’atteindra jamais son objectif. Donc le succès de ce genre de rencontre passe par une responsabilisation des populations locales. Il faut aussi que les artistes et autres acteurs engagés puissent être au cœur des discussions et non à la périphérie.

Que faire de ce fond vert ?

Il faudrait que cet argent puisse servir réellement à l’environnement. Il peut également servir à la formation des étudiants aux métiers de l’environnement en misant sur la maitrise de la technologie verte. Et surtout créer une véritable économie verte pour accompagner notre développement.

Quels sont vos projets en vue de la COP21 ?

Nous comptons faire des tournées nationales pour mieux sensibiliser les populations sur le changement climatique. Le gouvernement ne nous pas encore contacté, mais nous espérons être présent à Paris lors du sommet, car nous avons un projet musical dédiée à cette rencontre internationale. Ce serait une occasion de nous faire entendre et de porter la voix de ceux qui ne se sont pas déplacés.

Le Sénégal pourra-t-il peser lors de la COP 21 ?

Si le Sénégal part seul, il ne pèsera pas grand chose. Ceci est valable pour les autres pays africains. Tous les Etats du continent doivent adopter une seule position afin de mieux négocier leur avenir. L’Afrique doit faire valoir son poids démographique pour influencer les négociations. Et la diplomatie ne doit pas primer sur l’intérêt de l’environnement et des populations victimes de ses changements.

Quelles sont vos raisons d’espérer ?

Notre credo est de ne jamais perdre espoir. Avec une coordination des efforts, la terre peut être sauvée. Ça peut prendre du temps, mais nous y croyons. L’environnement est le combat de l’avenir. Il est le cadre de notre existence. Nous devons le préserver pour les nouvelles générations, dans une Afrique nouvelle.
Propos recueillis par Lamine Diédhiou
              

     Les frères Guissé, musiciens et défenseurs de l’environnement

Djiby, Cheikh et Alioune...  deux guitares, trois voix, un combat, celui de la promotion de la musique peulh sénégalaise. Très jeunes, ils entament leur apprentissage musical et découvrent les subtilités d’un art. Leur chanson éponyme est un grand succès à Dakar, Fama, sorti en 1995. Ils vont enchainer les succès grâce à deux nouveaux albums, « Ciré » (1998), puis « Ndeye » (2000). Depuis lors, les trois frères parcourent le monde pour partager leur musique, au rythme de folk, puisée dans le tissu fertile de la communauté peulh.
Aujourd’hui les frères Guissé sont également reconnus pour leur engagement en faveur de l’environnement. Depuis dix ans ils militent pour la dépollution et de la réhabilitation de la baie de Hann, devenue un dépotoir de produits industriels. En 2015, les frères Guissé ont organisé les 10 ans du festival « Festivert », premier festival consacré à l’environnement au Sénégal. C’est une plateforme de sensibilisation pour le développement durable et la promotion de l’économie verte. Le groupe s’active également dans la formation des femmes au micro jardinage. Les « chanteurs écolo » envisagent également d’ouvrir un centre de formation aux métiers de l’environnement pour les jeunes du Sénégal.
    
 

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