Djiby GUISSE directeur artistique "Festi'vert" |
La lutte contre le changement
climatique est devenue l’affaire de tous. Au Sénégal, le célèbre groupe des
Frères Guissé s’implique dans la sensibilisation des citoyens. Il y a dix ans,
ils ont créé « Festivert », le premier festival du pays consacré
à l’environnement. Djiby Guissé en est
le directeur artistique. Il plaide pour une synergie des actions et une
meilleure implication de tous les acteurs afin d’arriver à un accord global sur
le climat.
On vous a connu dans la musique,
aujourd’hui vous êtes dans l’environnement. Qu’est ce qui motive votre
engagement dans ce domaine ?
C’est
la protection de notre cadre de vie. Nous les Sénégalais, nous sommes non
seulement des acteurs mais également des victimes de ces phénomènes changeants
du climat. Beaucoup d’entre nous ignorent cet aspect. Avec mes deux frères,
nous essayons d’attirer l’attention des citoyens sur le danger qui nous guette.
Et la musique nous sert de support pour une meilleure promotion de ces questions.
Souvent, nous terminons nos concerts par des panels de discussions sur des
questions liées à la dégradation de l’environnement.
Qu’est ce qui est important pour
vous ?
C’est
le développement du Sénégal qui nous importe dans ce combat. Le pays nous a
beaucoup donné, il nous a permis d’avoir une notoriété mondiale. Nous usons maintenant
de cette notoriété pour apporter, au niveau local, des réponses à toutes ces
questions liées au dérèglement climatique. En tant que musiciens, nous sommes
aussi acteurs du développement. Notre mission est d’aider à porter un regard
différent sur l’environnement. C’est l’idée même du « festivert », un
festival annuel sur l’environnement organisé à Dakar depuis dix ans. Car la
musique peut sauver l’environnement.
Après dix ans de sensibilisation,
avez-vous atteint votre objectif ?
Les
gens nous écoutent, ils nous suivent. Ils se sont même approprié le festival.
Chaque année, on a des jeunes du quartier, des étudiants qui y prennent part. Même
l’Etat s’est impliqué. La preuve, cette
année nous avons été désignés citoyens d’honneur de l’environnement par le
réseau des parlementaires, pour saluer notre engagement. Mais notre objectif
c’est de trouver plus de moyens et faire
adhérer plus de monde à ce combat.
Les populations ne se mobilisent
pas assez selon vous ?
Ça
commence à bouger. Dans des panels que nous organisons, des gens donnent leurs
points de vue, leur position sur des questions qui font débat. Malheureusement
les décisions qui se prennent lors des rencontres internationales ne sont pas
souvent partagées au niveau local. Cela pose un sérieux problème car tout le
monde n’est pas au même niveau d’information. Cela rend notre mission d’autant
plus importante.
Depuis 1992, la communauté
internationale est en quête d’un accord contraignant qui engage l’ensemble des
pays contre le dérèglement climatique, en vain. Avez-vous bon espoir à deux
mois du prochain sommet à Paris ?
Je
n’y crois pas trop, parce que c’est une rencontre de décideurs politiques. Les
décisions sont souvent prises entre quatre murs, loin des principaux concernés.
Pourtant, les précédents sommets
ont permis des avancées…
C’est
vrai. Par exemple, la mise en place du « fonds vert pour le climat »,
destiné à financer des projets environnementaux dans les pays en développement,
a été adoptée dans l’une de ces conférences (Ndlr, à Copenhague au Danemark en
2009).
Mais
si une partie de cet argent se retrouve entre les mains de nos dirigeants, il
n’atteindra jamais son objectif. Donc le succès de ce genre de rencontre passe
par une responsabilisation des populations locales. Il faut aussi que les artistes
et autres acteurs engagés puissent être au cœur des discussions et non à la
périphérie.
Que faire de ce fond vert ?
Il
faudrait que cet argent puisse servir réellement à l’environnement. Il peut
également servir à la formation des étudiants aux métiers de l’environnement en
misant sur la maitrise de la technologie verte. Et surtout créer une véritable
économie verte pour accompagner notre développement.
Quels sont vos projets en vue de la
COP21 ?
Nous
comptons faire des tournées nationales pour mieux sensibiliser les populations
sur le changement climatique. Le gouvernement ne nous pas encore contacté, mais
nous espérons être présent à Paris lors du sommet, car nous avons un projet
musical dédiée à cette rencontre internationale. Ce serait une occasion de nous
faire entendre et de porter la voix de ceux qui ne se sont pas déplacés.
Le Sénégal pourra-t-il peser lors
de la COP 21 ?
Si
le Sénégal part seul, il ne pèsera pas grand chose. Ceci est valable pour les
autres pays africains. Tous les Etats du continent doivent adopter une seule
position afin de mieux négocier leur avenir. L’Afrique doit faire valoir son
poids démographique pour influencer les négociations. Et la diplomatie ne doit
pas primer sur l’intérêt de l’environnement et des populations victimes de ses
changements.
Quelles sont vos raisons
d’espérer ?
Notre
credo est de ne jamais perdre espoir. Avec une coordination des efforts, la
terre peut être sauvée. Ça peut prendre du temps, mais nous y croyons. L’environnement
est le combat de l’avenir. Il est le cadre de notre existence. Nous devons le
préserver pour les nouvelles générations, dans une Afrique nouvelle.
Propos recueillis par Lamine Diédhiou
Djiby,
Cheikh et Alioune... deux guitares,
trois voix, un combat, celui de la promotion de la musique peulh sénégalaise.
Très jeunes, ils entament leur apprentissage musical et découvrent les
subtilités d’un art. Leur chanson éponyme est un grand succès à Dakar, Fama,
sorti en 1995. Ils vont enchainer les succès grâce à deux nouveaux albums,
« Ciré » (1998), puis « Ndeye » (2000). Depuis lors, les
trois frères parcourent le monde pour partager leur musique, au rythme de
folk, puisée dans le tissu fertile de la communauté peulh.
Aujourd’hui
les frères Guissé sont également reconnus pour leur engagement en faveur de
l’environnement. Depuis dix ans ils militent pour la dépollution et de la
réhabilitation de la baie de Hann, devenue un dépotoir de produits
industriels. En 2015, les frères Guissé ont organisé les 10 ans du festival
« Festivert », premier festival consacré à l’environnement au
Sénégal. C’est une plateforme de sensibilisation pour le développement
durable et la promotion de l’économie verte. Le groupe s’active également
dans la formation des femmes au micro jardinage. Les « chanteurs
écolo » envisagent également d’ouvrir un centre de formation aux métiers
de l’environnement pour les jeunes du Sénégal.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire