CESTI/AMBASSADE DE FRANCE AU SENEGAL

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jeudi 15 octobre 2015

La houle de Bargny, une trace du dérèglement climatique


Ce qui reste d'une habitation après le passage de la houle
Près de Dakar, la municipalité de Bargny est très atteinte par l’érosion côtière. Cette forte avancée de la mer sur la terre ronge depuis plusieurs années les côtes de cette municipalité sous l’effet de houles violentes, de plus en plus fréquentes et redoutables, à l’image de celle du 31 août dernier.

Bargny, quartier Guedj. Plus d’un mois après le passage de la houle, les stigmates sont toujours visibles. Des pans de maisons par terre, des cimetières inondés, une mosquée à moitié engloutie, des pirogues détruites, tous témoins de la folie dévastatrice de la houle du 31 août dernier.
Sur place, la vie semble reprendre son cours, malgré la menace d’une mer imprévisible. « C’était une plage propre au départ. C’est la houle qui a amené tous ces débris », lance un habitant assis sur un mur à moitié immergé. «Nous n’avions jamais vu une houle de cette nature auparavant. Nos maisons n’ont pas pu résister face à la furie de la mer », poursuit-il.
Non loin de là, dans un autre quartier, le constat est le même. La force des vagues du mois dernier est toujours perceptible. La saleté, l’odeur impure et quelques carcasses d’animaux continuent de côtoyer les habitations. « Au départ on croyait que c’était une houle habituelle. C’est au petit matin que nous avons constaté les dégâts. C’était le désordre total », raconte Fatou Samba, conseillère municipale de Bargny.
Rien qu’ici, on dénombre près de 20 maisons détruites par la houle. Ce même spectacle est observé presque tout le long de la côte sénégalaise. A Yarakh, Thiaroye-sur-mer, Mbao, des centaines de maisons ont été englouties par les eaux, tandis qu’un bateau cargo s’est échoué sur la plage de Mbattal, à Thiaroye.
De mémoire de pêcheur à Bargny,  ce phénomène n’est pas une première dans la localité. Mais la houle de cette année a une certaine particularité. « Ce qui m’a frappé, raconte le pêcheur Cheikh Diouf, c’est la hauteur des vagues, de plusieurs mètres, accompagnée d’un vent violent. Des pirogues ont chaviré avec leurs filets, d’autres ont volé en éclats, raconte ce pêcheur. C’est comme si la mer était en colère », confie-t-il d’une voix toujours marquée par l’émotion de cette violence.


Une violence inédite
 « C’est la côte Sud de la presqu’île Dakar qui est la plus atteinte en ce moment, décrypte le géologue Boubacar Fall, professeur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar,  car ce sont les houles d’ouest qui surviennent. Issues des tempêtes de la mer Caspienne, elles se produisent entre octobre et décembre».
Si la houle est, d’après ce géologue, un phénomène connu et naturel, il observe néanmoins « de plus en plus de houles de tempêtes très fortes, qui se propagent à très forte vitesse pour venir frapper le littoral, provoquant de plus en plus de dégâts ».  
Les habitants de Thiaroye-sur-mer, Rufisque et Bargny, dressent le même constat : la houle du 31 août est inédite. Chacun y va de son explication pour tenter de comprendre un tel déferlement des vagues. Pour le pêcheur  Cheikh Diop, cette houle est la face émergée d’un autre phénomène : l’avancée de la mer, autrement appelée « érosion côtière ».  Là encore, explique Boubacar Fall, il s’agit d’un phénomène connu et naturel mais « les actions de l’homme peuvent l’accélérer, voire le déclencher ».
De fait, Fatou Samba, conseillère municipale à Bargny, pointe du doigt l’exploitation abusive du sable marin par des charretiers et camionneurs. « Il y a  quelques années, le rivage était à plusieurs dizaines de mètres des habitations, rappelle-t-elle. Aujourd’hui, à cause  de l’exploitation du sable, l’eau arrive jusque  dans les maisons et les houles sont devenues fréquentes dans nos zones ».
Maison complétement détruite par les vagues

Bargny, zone sensible
Ces actions humaines nocives pour l’environnement viennent alimenter le dérèglement climatique, qui se retourne à son tour contre l’homme, par un effet boomerang. Venu le 31 août apporter son soutien aux sinistrés, le Premier ministre Boun Abdalah Dione avait vu dans ce phénomène un problème environnemental mondial. « Les fortes émissions de carbone dans l’atmosphère peuvent avoir des conséquences fâcheuses dans des pays comme le Sénégal en provoquant (…) des cas d’érosion côtière », avait-il déclaré dans le quotidien « Le Soleil ».
Un avis partagé par Daouda Lary Gueye, militant écologiste à Bargny. Il ne comprend pas «certains scientifiques qui veulent nier l’évidence du changement climatique.  Pour eux, le gaz à effet de serre n’est pas une réalité. Mais à Bargny, on le vit », fait-il remarquer.
De ce fait poursuit-il «l’avancée de la mer au Sénégal est de plus en plus alarmante. Et Bargny se trouve aujourd’hui parmi les quatre zones placées à hauts risques pour leur vulnérabilité en la matière ».
 En effet, l’intensité des vagues a fortement  augmenté. D’après, une étude faite par la mairie de la commune de Rufisque située à 4 km de Bargny, près d’un mètre est pris chaque année par la mer au continent. En moyenne, les eaux marines grignotent 1,30 m par année dans certains endroits, et 0,7 m dans d’autres sites. Par ailleurs l’Association des diplômés de l’Institut des sciences de l’environnement (Ise) de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar  affirme que le Sénégal est classé 8ème pays le plus  vulnérable à l’échelle mondiale face à la montée de la mer qui menace nos villes côtières.


Mamadou Yaya Baldé et Lamine Diédhiou


            

LES EFFETS DE SERRE SUR LE TOURISME

La Petite Côte, le littoral casamançais et les îles du littoral, principales zones touristiques du Sénégal, sont très vulnérables face à l’érosion côtière. Le tourisme balnéaire représente plus de 50% de l’offre touristique nationale. Ce secteur est particulièrement dépendant de la qualité du littoral. Les zones balnéaires de Saly et de Djifère ainsi que la zone culturelle de Saint-Louis sont les plus touchées par le phénomène de l’érosion. Pour la zone spécifique de Saly, qui dispose d’une capacité annuelle de plus de 8 000 lits, 30% des infrastructures ont perdu leurs plages qui représentaient le principal attrait touristique de la zone5.  
(Source : contribution prévue déterminée du Sénégal en vue de la COP 21, septembre 2015).

 

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