Près de Dakar, la municipalité de Bargny est très atteinte par l’érosion
côtière. Cette forte avancée de la mer sur la terre ronge depuis plusieurs
années les côtes de cette municipalité sous l’effet de houles violentes, de
plus en plus fréquentes et redoutables, à l’image de celle du 31 août dernier.
Bargny, quartier Guedj. Plus d’un mois après le
passage de la houle, les stigmates sont toujours visibles. Des pans de maisons
par terre, des cimetières inondés, une mosquée à moitié engloutie, des pirogues
détruites, tous témoins de la folie dévastatrice de la houle du 31 août dernier.
Sur place, la vie semble reprendre son cours, malgré
la menace d’une mer imprévisible. « C’était une plage propre au départ.
C’est la houle qui a amené tous ces débris », lance un habitant assis sur
un mur à moitié immergé. «Nous n’avions jamais vu une houle de cette nature
auparavant. Nos maisons n’ont pas pu résister face à la furie de la mer »,
poursuit-il.
Non loin de là, dans un autre quartier, le constat
est le même. La force des vagues du mois dernier est toujours perceptible. La
saleté, l’odeur impure et quelques carcasses d’animaux continuent de côtoyer
les habitations. « Au départ on croyait que c’était une houle habituelle.
C’est au petit matin que nous avons constaté les dégâts. C’était le désordre
total », raconte Fatou Samba, conseillère municipale de Bargny.
Rien qu’ici, on dénombre près de 20 maisons
détruites par la houle. Ce même spectacle est observé presque tout le long de
la côte sénégalaise. A Yarakh, Thiaroye-sur-mer,
Mbao, des centaines de maisons ont été englouties par les eaux, tandis qu’un bateau
cargo s’est échoué sur la plage de Mbattal, à Thiaroye.
De mémoire de pêcheur à Bargny, ce phénomène n’est pas une première dans la
localité. Mais la houle de cette année a une certaine particularité. « Ce
qui m’a frappé, raconte le pêcheur Cheikh Diouf, c’est la hauteur des vagues, de
plusieurs mètres, accompagnée d’un vent violent. Des pirogues ont chaviré avec leurs
filets, d’autres ont volé en éclats, raconte ce pêcheur. C’est
comme si la mer était en colère », confie-t-il d’une voix toujours marquée
par l’émotion de cette violence.
Une
violence inédite
« C’est
la côte Sud de la presqu’île Dakar qui est la plus atteinte en ce moment,
décrypte le géologue Boubacar Fall, professeur à l’université Cheikh Anta Diop
de Dakar, car ce sont les houles d’ouest
qui surviennent. Issues des tempêtes de la mer Caspienne, elles se produisent entre
octobre et décembre».
Si la houle est, d’après ce géologue, un phénomène
connu et naturel, il observe néanmoins « de plus en plus de houles de tempêtes très fortes, qui se
propagent à très forte vitesse pour venir frapper le littoral, provoquant de
plus en plus de dégâts ».
Les habitants de Thiaroye-sur-mer, Rufisque et Bargny,
dressent le même constat : la houle du 31 août est inédite. Chacun y va de son explication pour tenter de comprendre un
tel déferlement des vagues. Pour le
pêcheur Cheikh Diop, cette houle est la face émergée d’un autre
phénomène : l’avancée de la mer, autrement appelée « érosion côtière ».
Là
encore, explique Boubacar Fall, il s’agit d’un phénomène connu et naturel mais
« les actions de l’homme peuvent l’accélérer, voire le déclencher ».
De fait, Fatou Samba, conseillère municipale à
Bargny, pointe du doigt l’exploitation abusive du sable marin par des
charretiers et camionneurs. « Il y a quelques années, le rivage
était à plusieurs dizaines de mètres des habitations, rappelle-t-elle.
Aujourd’hui, à cause de l’exploitation
du sable, l’eau arrive jusque dans les maisons et les houles sont devenues
fréquentes dans nos zones ».
Maison complétement détruite par les vagues |
Bargny,
zone sensible
Ces actions humaines nocives pour l’environnement
viennent alimenter le dérèglement climatique, qui se retourne à son tour contre
l’homme, par un effet boomerang. Venu le 31 août apporter son soutien aux
sinistrés, le Premier ministre Boun Abdalah Dione avait vu dans ce phénomène un
problème environnemental mondial. « Les fortes émissions de carbone dans
l’atmosphère peuvent avoir des conséquences fâcheuses dans des pays comme le
Sénégal en provoquant (…) des cas d’érosion côtière », avait-il
déclaré dans le quotidien « Le Soleil ».
Un avis partagé par Daouda Lary Gueye, militant écologiste
à Bargny. Il ne comprend pas «certains scientifiques qui veulent nier
l’évidence du changement climatique.
Pour eux, le gaz à effet de serre n’est pas une réalité. Mais à Bargny,
on le vit », fait-il remarquer.
De ce fait poursuit-il «l’avancée de la mer au
Sénégal est de plus en plus alarmante. Et Bargny se trouve aujourd’hui parmi
les quatre zones placées à hauts risques pour leur vulnérabilité en la matière ».
En effet, l’intensité des vagues a fortement augmenté. D’après, une étude faite par la
mairie de la commune de Rufisque située à 4 km de Bargny, près d’un mètre est
pris chaque année par la mer au continent. En moyenne, les eaux marines
grignotent 1,30 m par année dans certains endroits, et 0,7 m dans d’autres
sites. Par ailleurs l’Association des diplômés de l’Institut des sciences de
l’environnement (Ise) de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar affirme que le Sénégal est classé 8ème pays le
plus vulnérable à l’échelle mondiale face à la montée de la mer qui
menace nos villes côtières.
Mamadou
Yaya Baldé et Lamine Diédhiou
LES EFFETS DE SERRE SUR LE TOURISME
La
Petite Côte, le littoral casamançais et les îles du littoral, principales
zones touristiques du Sénégal, sont très vulnérables face à l’érosion
côtière. Le tourisme balnéaire représente plus de 50% de l’offre touristique
nationale. Ce secteur est particulièrement dépendant de la qualité du
littoral. Les zones balnéaires de Saly et de Djifère ainsi que la zone
culturelle de Saint-Louis sont les plus touchées par le phénomène de
l’érosion. Pour la zone spécifique de Saly, qui dispose d’une capacité
annuelle de plus de 8 000 lits, 30% des infrastructures ont perdu leurs
plages qui représentaient le principal attrait touristique de la zone5.
(Source :
contribution prévue déterminée du Sénégal en vue de la COP 21, septembre
2015).
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