Les installations de la Centrale à Charbon de Bargny en suspend |
Face au dérèglement climatique causé
en partie par leurs émissions de gaz à effet de serre, des entreprises
cherchent des solutions pour diminuer leur pollution. Des décisions encore
isolées dans le pays, qui n’empêchent pas les populations voisines de s’opposer
à l’implantation de nouvelles sociétés.
La Sococim avant l'instauration de sa politique d'atténuation des émission de |
Une surface toute couverte d’arbres.
Une poussière blanchâtre les recouvre, masquant leur leur couleur verdoyante.
Gris, semi vert, jaune ? Difficile de définir leur couleur. À la sortie de
Rufisque, un des départements de Dakar, une industrie gigantesque surplombe
toute le paysage : la cimenterie Sococim. A côté, un dépôt de
calcaire couvert par des bâches. Ici, la pollution émise par cette entreprise se
mêle à la fumée des poissons transformés pour d’autres usages.
Créée en 1947 puis racheté en 1999 par le groupe VICAT, la Sococim
a multiplié sa production par cinq, au bas mot, en cinquante ans, polluant toute
la localité de Rufisque à Bargny. Les nuages de poussières obstruant l’horizon
se voyaient de loin. Mais à partir de 2006, la Sococim engage une restauration
de ses installations. Elle installe trois filtres à manches pour réduire ses émissions.
De même, elle décide à cette époque d’exploiter 75
hectares de plantation de jatropha (une plante des régions semi-arides appelée « Or vert », elle
produit une huile aux propriétés comparables à celles du diesel) destiné à remplacer
le charbon pour le réchauffement de ces machines. Selon Pape Lamine Diouf, chef
du bureau atténuation des émissions de gaz à effet de serre à la Direction de
l’environnement et des Etablissements classés, l’avantage de cette plante est qu’elle produit
une énergie renouvelable et est moins pollueuse.
Deux ans plus tard, en 2008, tous
les ciments Sococim Industries obtiennent la certification officielle des normes
CE (Communauté Européenne).
De telles stratégies environnementales restent
marginales parmi les entreprises du Sénégal. A la Direction de l’Environnement
et des Etablissements classés, El Hadj Mamadou Sankaré refuse de communiquer
les statistiques sur la pollution due aux entreprises dans le pays. Il se
contente de rappeler que « 70% des
sociétés privées du pays sont situées à la Baie de Hann. Elles rejettent leurs
effluents liquides directement dans la mer parce que la localité ne
dispose pas d'infrastructures d'assainissement ».
Du coup, les populations
restent réticentes lorsqu’une nouvelle entreprise veut s’installer dans leur
localité. A Bargny par exemple, la centrale à charbon de 125
mégawatts prévue pour combler le déficit énergétique du Sénégal peine à
démarrer. Les bailleurs ont suspendu leur financement il y a six mois à la
suite des contestations des populations et en attendant d’avoir une idée
claire sur les impacts de ce projet sur l’environnement.
En effet, cette centrale à charbon est située à moins
de cinq cents mètres du terrain de foot et du quartier Miname. « On peut pas
avoir, en plus de la Sococim, une centrale à charbon très nocive pour
l’environnement», dénonce Cheikh Faye, membre du collectif « Mame Nongal[1] » (nom du génie protecteur du village).
Quant à Fatou Samba, présidente des femmes
transformatrices des produits halieutiques, elle estime que cette industrie
menace leur activité. « Notre site de transformation jouxte la centrale.
Et nous n’imaginons en aucun cas quitter cet endroit pour laisser la place à
une entreprise étrangère qui travaille pour son propre compte »,
avertit-elle.
Les populations locales sont appuyées par plusieurs
Organisations non gouvernementales (ONG), comme la Lumière et Water Keeper
Alliance.
Au Sénégal, avant la révision du code de
l’environnement en 2008, les entreprises n’avaient pas l’obligation avant de
s’implanter de faire une étude d’impact environnemental. Mais ce n’est plus le
cas aujourd’hui. Ce qui fait dire à Daouda Guèye, ingénieur en industrie chimique
et membre du collectif des habitants : «l’Etat n’a pas respecté les normes
du code de l’environnement en installant cette centrale. On ne peut pas implanter
à quelques mètres d’un lieu d’habitation et d’activité économique une centrale
à charbon avec tout ce qu’elle comporte en émission d’Oxyde d’azote, de carbone
et de mercure. Ce sont des éléments très nocifs», s’indigne-t-il.
En réaction à cette hostilité populaire, le site de la
future centrale à charbon, qui s’étend sur plusieurs hectares, est placé sous
haute surveillance. Un mur de deux mètres empêche les regards curieux de voir les
installations. Ici, il est interdit de rentrer et toute prise de photo peut
valoir un retrait du matériel. Les agents de sécurité montent la garde jour et
nuit, empêchant toute personne de s’approcher. En attendant que la situation
sorte du statu quo.
Marame Coumba
Seck
[1] Collectif
qui lutte contre l’effectivité de la Centrale à charbon
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