CESTI/AMBASSADE DE FRANCE AU SENEGAL

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jeudi 15 octobre 2015

Réduire la pollution des entreprises, un chantier balbutiant au Sénégal

Les installations de la Centrale à Charbon de Bargny en suspend

Face au dérèglement climatique causé en partie par leurs émissions de gaz à effet de serre, des entreprises cherchent des solutions pour diminuer leur pollution. Des décisions encore isolées dans le pays, qui n’empêchent pas les populations voisines de s’opposer à l’implantation de nouvelles sociétés.
La Sococim avant l'instauration de sa politique d'atténuation des émission
de 
Une surface toute couverte d’arbres. Une poussière blanchâtre les recouvre, masquant leur leur couleur verdoyante. Gris, semi vert, jaune ? Difficile de définir leur couleur. À la sortie de Rufisque, un des départements de Dakar, une industrie gigantesque surplombe toute le paysage : la cimenterie Sococim.  A côté, un dépôt de calcaire couvert par des bâches. Ici, la pollution émise par cette entreprise se mêle à la fumée des poissons transformés pour d’autres usages.
Créée en 1947 puis racheté en 1999 par le groupe VICAT, la Sococim a multiplié sa production par cinq, au bas mot, en cinquante ans, polluant toute la localité de Rufisque à Bargny. Les nuages de poussières obstruant l’horizon se voyaient de loin. Mais à partir de 2006, la Sococim engage une restauration de ses installations. Elle installe trois filtres à manches pour réduire ses émissions.
De même, elle décide à cette époque d’exploiter 75 hectares de plantation de jatropha (une plante des régions semi-arides appelée « Or vert », elle produit une huile aux propriétés comparables à celles du diesel) destiné à remplacer le charbon pour le réchauffement de ces machines. Selon Pape Lamine Diouf, chef du bureau atténuation des émissions de gaz à effet de serre à la Direction de l’environnement et des Etablissements classés, l’avantage de cette plante est qu’elle produit une énergie renouvelable et est moins pollueuse.
Deux ans plus tard, en 2008, tous les ciments Sococim Industries obtiennent la certification officielle des normes CE (Communauté Européenne).
De telles stratégies environnementales restent marginales parmi les entreprises du Sénégal. A la Direction de l’Environnement et des Etablissements classés, El Hadj Mamadou Sankaré refuse de communiquer les statistiques sur la pollution due aux entreprises dans le pays. Il se contente de rappeler que « 70% des sociétés privées du pays sont situées à la Baie de Hann. Elles rejettent leurs effluents liquides  directement dans la mer parce que la localité ne dispose pas d'infrastructures d'assainissement ».
Du coup, les populations restent réticentes lorsqu’une nouvelle entreprise veut s’installer dans leur localité. A Bargny par exemple, la centrale à charbon de 125 mégawatts prévue pour combler le déficit énergétique du Sénégal peine à démarrer. Les bailleurs ont suspendu leur financement il y a six mois à la suite des contestations des populations et en attendant d’avoir une idée claire sur les impacts de ce projet sur l’environnement.
En effet, cette centrale à charbon est située à moins de cinq cents mètres du terrain de foot et du quartier Miname. « On peut pas avoir, en plus de la Sococim, une centrale à charbon très nocive pour l’environnement», dénonce Cheikh Faye, membre du collectif « Mame Nongal[1] » (nom du génie protecteur du village).
Quant à Fatou Samba, présidente des femmes transformatrices des produits halieutiques, elle estime que cette industrie menace leur activité. « Notre site de transformation jouxte la centrale. Et nous n’imaginons en aucun cas quitter cet endroit pour laisser la place à une entreprise étrangère qui travaille pour son propre compte », avertit-elle.
Les populations locales sont appuyées par plusieurs Organisations non gouvernementales (ONG), comme la Lumière et Water Keeper Alliance. 
Au Sénégal, avant la révision du  code de l’environnement en 2008, les entreprises n’avaient pas l’obligation avant de s’implanter de faire une étude d’impact environnemental. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce qui fait dire à Daouda Guèye, ingénieur en industrie chimique et membre du collectif des habitants : «l’Etat n’a pas respecté les normes du code de l’environnement en installant cette centrale. On ne peut pas implanter à quelques mètres d’un lieu d’habitation et d’activité économique une centrale à charbon avec tout ce qu’elle comporte en émission d’Oxyde d’azote, de carbone et de mercure. Ce sont des éléments  très nocifs», s’indigne-t-il.
En réaction à cette hostilité populaire, le site de la future centrale à charbon, qui s’étend sur plusieurs hectares, est placé sous haute surveillance. Un mur de deux mètres empêche les regards curieux de voir les installations. Ici, il est interdit de rentrer et toute prise de photo peut valoir un retrait du matériel. Les agents de sécurité montent la garde jour et nuit, empêchant toute personne de s’approcher. En attendant que la situation sorte du statu quo.

                                                                                                                  Marame Coumba Seck
[1] Collectif qui lutte contre l’effectivité de la Centrale à charbon


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